dimanche 14 octobre 2012

collection

si j'eus un jour un rêve véritable dans mon existence (une fois passés mes rêves de gloire, ceux d'une association artistique collective appelée interstellar overdrive où des artistes de tous poils viendraient coaguler leurs talents), ce fut celui de constituer et d'ouvrir une bibliothèque (médiathèque)dans une demeure campagnarde et surranée, où tout le monde pût se servir, lire des livres, écouter de la musique, boire un bon verre de schnaps de merisier, contempler quelques oeuvres d'art, trouver le réconfort d'une présence féminine, - fumer ou boire une liqueur, ou un thé raffiné en feuilletant un livre, ou en se promenant dans un jardin aux fleurs et aux essences rares -
à présent, la médiathèque tient dans la mémoire de quelques clés usb et disques amovibles - la bibliothèque tient dans un cartable - le projet est enterré, les parfums, sauf ceux qui émanent des cadavres, se résument aux empreintes olfactives des grands hôtels ou à des batonnets d'encens.
il y a, dans le grand livre tous les noms de josé saramago, où nous suivons un fonctionnaire modèle s'écarter de l'étouffant règlement du quotidien pour suffoquer délicieusement de l'air vivifiant de ce qu'on pourrait appeler la vie, quelques lignes fascinantes sur la vanité de la collection :
"on rencontre partout des gens comme monsieur josé, ils occupent leur temps, ou celui qu'ils croient que la vie leur laisse, à collectionner des timbres, des monnaies, des médailles, des potiches, des cartes postales, des boîtes d'allumettes, des livres, des montres, des chandails de sport, des autographes, des pierres, des personnages en terre cuite, des cannettes vides de boissons rafraîchissantes, des petits anges, des cactus, des programmes d'opéra, des briquets, des stylos, des hiboux, des boîtes à musique, des bouteilles, des bonsaïs, des tableaux, des gobelets, des obélisques en cristal, des canards en porcelaine, des jouets anciens, des masques de carnaval, poussés probablement par quelque chose que nous pourrions appeler angoisse métaphysique, peut-être parce qu'ils n'acceptent pas l'idée que le chaos soit le seul arbitre de l'univers, et donc avec leur faible force et sans l'aide divine ils tentent d'introduire un peu d'ordre dans le monde, ils y réussissent pendant un certain temps, mais seulement aussi longtemps  qu'ils parviennent à défendre leur collection car quand vient le jour de la disperser et ce jour arrive inéluctablement, à cause de la mort ou de la lassitude du collectionneur, tout retourne au chaos originel, tout replonge dans le désordre."
la collection, tout comme le désir de classer (mais on classe des collections, non ?) participe de notre quotidienne et vaine tentative de donner un semblant de sens, un peu d'ordre au point d'interrogation tremblant et fuyant de l'existence //*
dois-je alors inciter mes fils à se lancer dans telle ou telle collection, et ainsi à se laisser bercer d'illusions ?

* cela faisait longtemps, le double slash de la modernité absolue...

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