l’autre jour, écoutant la radio
dans ma belle automobile, je tombe sur une jeune femme intelligente, qui
explique que pour goûter l’équilibre et l’harmonie qui mènent au bonheur (moi
je préfère boiter, je n’y peux rien…), il faut se rendre maître du temps – comment
me direz-vous ? comment lui dis-je ? et point sourde à ma demande et
point sourde non plus par anticipation à la vôtre – ce que c’est qu’avoir
découvert l’harmonie – elle répondit :
tout d’abord, observer le soir votre horloge, et notamment le mouvement
de la trotteuse, vous rendre maître du rythme, vous serez capable de voir se
mouvoir l’aiguille des heures
- mais que faites-vous basin
- ma douce oriane, je regarde les aiguilles de la
pendule, je me rends maître du temps.
- certes cela fait deux bonnes heures que vous
vous rendez maître du temps, mais croyez-vous que le repas se fisse tout seul
(oriane a des problèmes avec le subjonctif) – connard !
- mais ne désirez-vous point l’harmonie ?
- nevermind
the bollocks, l’harmonie ne s’atteindra pas dans un palais dérangé -
je partis faire la vaisselle
quand vous serez maître de l’horloge, il vous faudra passer plusieurs
heures le soir à écouter votre horloge intérieure, votre propre pulsation,
votre rythmique profonde : maître de votre pulsation rythmo-horlogique interne,
la qualité de votre sommeil s’améliorera
- si vous mettez quatre heures à faire la
vaisselle, qui donc s’occupera de passer un coup de serpillère ? (oriane
ne semble pas croire à la mécanique intérieure de l’horloge) connard !
il vous faut ensuite pratiquer une rupture des habitudes et du cadre de
vie – par de menus déplacement d’objets – par exemple retourner un tableau, et
s’empêcher quand on le voit de le remettre à l’endroit –
j’entrepris donc de mettre le
chagall qu’on a dans le vestibule (j’ai toujours rêvé d’avoir un vestibule) à
l’envers – dans la pièce voisine, j’entendis oriane nettoyer le beretta semi
automatique que lui offrit sa mère pour ses douze ans.
Troisième étape : se faire aux habitudes d’autrui – accepter le
fait que vous ne rangiez plus vos affaires dans votre placard, mais que vous
deviez vous adapter aux logiques de votre conjointe – diantre ! –
logiques vestimentaires érudites,
voire ésotériques, auxquelles je dus me faire dès que j’eus la bagouze en
diamants bruts autour de l’annulaire tandis qu’oriane passait l’anneau complémentaire à son
majeur – logiques matérielles profondes et mathématiques dans la cuisine – et
d’entreprendre de reclasser à ma façon le dressing d’oriane, selon la taille et
la couleur, ou selon le matériau utilisé…
La balle fusa et atterrit en pleine mienne poitrine –
je ne portai pas
plainte, j’étais devenu pure harmonie…
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