dimanche 27 mai 2012

lieu commun

medina de marrakech - place des épices - dans le souk à gaouris, la place pullule de gens en quête d'autrui, d'alter, de bijoux, d'authentique, de caméléons, de sandwichs beldi, d'un tapis âprement marchandé, d'un thé brûlant et authentique après la négociation âpre - tout le fake orientalisant à portée de nous -
oriane reconnaît une ancienne cliente de sa boutique, elle-même boutiquière du seul magasin européen (mais plein d'objets d'un orientalisme chic) quoique je ne me rappelle pas ce qu'elle vend. je note son regard hagard, égaré, si plein de l'ennui de l'incativité, si plein des toutes les béances de la vacance - le mot a de l'importance -
la dame malgré ses affaires finit par reconnaître oriane, qui lui confie qu'elle a abandonné le commerce et son étouffement spirituel pour l'enseignement artistique ; la dame, réjouie de l'échec d'un pair et soudain hautaine, lui réplique : "eh bien tu dois être tranquille à présent!" ; elle reprenait, dans son magasin vide et son intelligence désolée, la vieille antienne (réactualisée par la dernière campagne présidentielle) du fonctionnaire paresseux et improductif face à l'entrepreneur dynamique et générateur de richesses [la sienne en général] - 
oriane partit d'un rire incontrôlé et lui rétorqua : "c'est vrai que vous n'arrêtez pas, ma chère, je ne vais donc pas abuser de votre temps si précieux (malgré tout l'intérêt que je prends à votre conversation], le negotium, c'est l'idéal pour les gens comme vous !" - si l'épicière avait pu comprendre, j'aurais dit pan dans les gencives mais les limites de son intelligence désolée lui firent prendre la chose pour une sorte de reconnaissance de son âpre labeur ;
nous la quittâmes heureuse, ce qui n'est sans importance - préférant à sa moribonde compagnie profiter de notre printanier otium...

samedi 26 mai 2012

théologie

qui pour se livrer l'exégèse du mystère de l'incarnation de l'ongle de mon troisième orteil ?

mardi 22 mai 2012

esthétique de la décadence

mon nabot me raconte qu'une fille de neuf ans, soit de quatre son aînée, et qui doit au bas mot faire le double de sa taille, lui fait boire tous les mardis des sodas "en mettant la bouteille à un centimètre de [sa] bouche et en versant" le délicat breuvage - le nectar me dis-je en imaginant trimalcion dans la position allongée se faisant verser du vin tout en ingurgitant des mets trop gras mais jouissifs (jubilatoires) entouré de musiciens et de danseurs, de quelques gitons prompts à sublimer son désir, ou de gitones si le terme existait -
avec toute la pudeur dont je suis capable, je lui rétorque que c'est mignon de sa part (à la fille grande) de lui (à mon fils petit) verser un doux nectar dans la bouche. Le fils grand de moi (rationnel pour une fois, ou simplement observateur) : "rien à voir avec de la gentillesse, elle a peur qu'il lui mette des microbes sur le goulot."
J'ai dû les gifler tous deux (mes fils), l'un pour son manque de poésie, l'autre pour son manque d'hygiène buccale, qui m'empêchèrent tous deux (les manques) de flirter avec la jouissance, dans une nouvelle cena trimalcionis que je suis toujours prompt à imaginer...

lundi 21 mai 2012

esprit rugby

nous savons tous que les bobos aiment le rugby (et le golf) et haïssent le football, considéré comme trop beauf et trop populaire, mais dénigré (car on ne veut pas s'afficher comme contre le peuple) au nom de son mauvais esprit, de ses côtés malsain (fric, trucages, coups bas, etc.) -
participant ce week-end à des rencontres interscolaires de rugby, j'ai pu constater qu'il n'y a pas d'esprit foot, d'esprit rugby, mais plutôt un esprit du sportif (qu'on ne soit pas ambigu sur le terme) éloigné de ce que l'on nomme couramment esprit sportif (sans trop savoir si ça a jamais existé) et caractérisisé, au pire par du mépris, au mieux par une espèce d'insupportable condescendance (voilée par la rhétorique mensongère de "l'entraide, de la coopération, de la solidarité") du sportif accompli envers l'amateur inachevé : ceci de dix à cinquante-cinq ans -
on peut se réjouir du plaisir pris par deux cents gamins à jouer à la balle ovale, mais s'enorgueillir d'un quelconque esprit ou état d'esprit, c'est conforter nos ouailles dans l'affirma-tion erronée qu'il y a un possible bon esprit dans une tête médiocre et satisfaite d'elle-même -

jeudi 17 mai 2012

monsieur bricolage

il se passe parfois des choses incroyables dans la tête de l'artiste, du dilettante, du créateur de placard ou de tiroir ; ainsi, l'auteur de ses pénibles lignes se croit autorisé - mais par qui au juste ? - ainsi, à chaque fois que je change une ampoule, je me dis que tout de même, je suis fait pour le bricolage et que je devrais peut-être me lancer dans la rédaction d'un petit ouvrage à l'usage des bricoleurs amateurs qui me ressemblent ; plus grave, quand je bois un verre d'eau ou quand je mange un légume, je me prends à admirer ma formidable hygiène de vie et me dis que je pourrais peut-être améliorer la santé publique à travers deux ou trois conseils simples, préventifs à l'usage de la toxicomanie ambiante - on fait ce qu'on peut -
on a tort, suggérait clov dans fin de partie de monsieur beckett -

mercredi 16 mai 2012

deux balles de psychosociologie alsacienne

mon ami sb de k., journaliste et analyste, me parlait du petit village de croetwiller "fief de fieffés cons" pour reprendre ses termes :
"Le vent de gauche souffle depuis ce matin sur une France rose. Bon, par ici, il ne franchit pas les remparts de la couronne strasbourgeoise. A Bischheim, nous sommes clairement des révolutionnaires par rapport au reste de la région : Hollande en tête au premier et second tours. J'ai sorti le drapeau rouge ce matin... Mais dans le nord de l'Alsace, ça craint grave. La palme revient au merveilleux village de Croetwiller, dans le riant canton de Seltz, non loin de Siegen, où nous jouâmes au ballon quand nous étions post-adolescent: Sarkozy à 92,38%, Hollande à 7,61... Ils doivent se sentir bien seuls, les 7 gusses qui ont voté pour flamby... A moins qu'ils n'aient déjà été pendus par les 85 autres bons catholiques de droite."
ce à quoi je rétorque : "ce que vous semblez ne pouvoir daigner accorder (ronflant) à la psychée croetwilléroise (et nord alsacienne), c'est une vision lucide, une prémonition géniale, de l'ordre de celle de l'arrivée des chars soviétiques quand monsieur mitterrand fut élu en 1981 ; quand l'axe paris pyongyang sera rétabli (ce qui est presque une certitude en alsace du nord, qui les premiers verront défiler les troupes du grand successeur dans les rues de strasbourg ? un habitant inquiet de croetwiller que les bolchéviks de tout poils auront forcé à assister à la parade contre-nature - leur geste démocratique et électoral, à couleur marron au premier tour, n'est-il pas un acte de résistance authentique contre les dégâts du bolchévisme ?
quand vous boufferez tous les jours du riz et de la cervelle de chien, alors vous regretterez vos propos sur croetwiller ! vous réécrirez l'histoire (croetwiller berceau de la résistance") dans une cellule de goulag où le monde libre pourrira, la langue coupée -"


jeudi 10 mai 2012

école du désenchantement

achevé la lecture de gilles, de monsieur drieu la rochelle. que de temps dispersé depuis le jour où j'ai noté sur ma liste de livres ou d'écrivains à lire avant de mourir pierre dlr - histoire de ne pas avoir l'air suspect à l'inconnu qui innocemment tomberait sur ma liste -
finalement, je me suis rendu compte, le jour du premier tour où je lisais le roman en attendant de voter comme une mauvaise provocation, que l'indifférence de la francophonie marrakchia fut le plus bel hommage à mon coup d'épée dans l'eau ; un écrivain dangereux ou nauséabond ? personne ne sait qui il est ; son roman fait plus de six cents pages - à plus de deux cents-cinquante pages, on n'est plus subversif - tombé dans l'oubli, malgré le panthéon de papier bible de ses oeuvres dans la pléiade : qui lit encore la pléiade ? même moi j'ai dû me résigner à abandonner le papier bible et la reliure de peau, c'est écrit trop petit (signe extérieur de vieillissement)
deux passages attrapés dans ce grand livre de l'entre deux guerres, qui ne cessent de me tourmenter, de m'inquiéter ; de vomir mon image :
"l'adolescence de gilles avait été indifférente aux privations, occupée par les jouissances qui, mises à la portée de tous, ne sont goûtées que par quelques ombrageux : les livres, les jardins, les musées, les rues."
"Les femmes et les hommes sont faits pour rire, danser, s'abandonner aux jours. Il faut être infirme pour se refuser la facilité de vivre."
l'ombre et l'infirmité sont si proches de moi - le désenchantement mène-t-il forcément à l'abject ? au pire ?

mardi 8 mai 2012

perspective

de retour d'un long périple dans le grand sud marocain (figure de rhétorique : exagération tendant au mensonge) où nous eûmes, en autres, l'occasion d'une promenade dans la palmeraie de skoura - six heures durant, nous allâmes silencieux parmi les palmiers, les oliviers, cognassiers, abricotiers, grenadiers, amandiers, pommiers, parterres de céréales ou de luzerne - une fertilité qui creuse et défie le désert, des paysans courageux qui blablabla - bref, de nouveau, nous atteignîmes l'objectif majeur de la rencontre avec autrui, l'autre, avec alter - ce qui n'est pas donné à tout le monde.
puis je fus saisi d'une incompréhensible claustrophobie - la palmeraie nous enfermait, nous étouffait. les autochtones, mis à part ceux qui peuvent respirer dans les hauteurs d'une kasbah, vivent, à l'instar des indiens d'amazonie (mes frères eux aussi, mes alter, mes blablabla), dans l'absence de perspective longue - vie harmonieuse certes, mais au coeur de vertes ténèbres...
[moi j'ai trouvé ça assez flippant]