lundi 9 mai 2016

mort lente

comment ne pas être ému jusqu'aux larmes, quittant mon père dans le cancer brouillé et flou de la maladie d'alzheimer qui rogne son esprit et son existence, le quittant dans la conscience de son inconscience qui avançait et sachant que, à notre prochaine rencontre, il n'aurait plus conscience de qui je suis, par ces lignes du zibaldone di pensieri de leopardi :
“voir mourir une personne aimée est toujours moins déchirant que d’être le témoin de son dépérissement, d’une maladie (ou toute autre chose) qui altère son corps ou son esprit. pourquoi ? parce que dans le premier cas, nos illusions demeurent, dans le second, elles s’évanouissent s’annulent tout à fait et nous sont arrachées avec force. après la mort, la personne aimée subsiste encore dans notre imagination telle qu’elle était, telle que nous l’aimions jadis. mais dans l’autre cas, la personne aimée se perd tout à fait, une autre se substitue à elle, et celle d’avant, que l’on aimait et que l’on chérissait, ne peut plus subsister, pas même par la force d'une illusion ; car la présence de la réalité et de cette même personne transformée par une maladie chronique, ou par la folie, par la corruption des moeurs, etc., nous détrompe violemment et cruellement : la perte de l'objet aimé n'est ainsi plus compensée par l'imagination. ni par le désespoir ou le repos qui accompagne une douleur excessive, comme après une mort. cette perte est telle que ni la pensée ni le sentiment ne peuvent s'abandonner. cette perte ne sera donc jamais qu'une douleur très cruelle."


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