mercredi 28 août 2013

jeunesse

pour que les jeunes gens se tiennent tranquilles, les hommes de quarante ans leur raconte que la jeunesse est le temps des surprises, des découvertes et des grandes rencontres, et toutes leurs histoires sur ce qu'ils feraient s'ils avaient de nouveau vingt ans, leurs jeunes espoirs, leurs jeunes dents, leurs jeunes cheveux, avec leur fameuse expérience des pères, de citoyens et de vaincus. la jeunesse sait mieux qu'elle n'est que le temps de l'ennui, du désordre : pas un soir à vingt ans où l'on ne s'endorme avec cette colère ambiguë qui naît du vertige des occasions manquées. comme la conscience qu'on a de son existence est encore douteuse et qu'on fait fond sur des aventures capables de vous prouver qu'on vit, les fins de soirée ne sont pas gaies ; on n'est même pas assez fatigué pour connaître le bonheur de s'abîmer dans le sommeil : ce genre de bonheur vient plus tard.
personne ne pense avec plus de constance à la mort que les jeunes gens, bien qu'ils aient la pudeur de n'en parler que rarement : chaque jour vide leur paraît perdu, la vie ratée. [...] ils vont répondent que c'est gai, cette existence de larves en nourrice en attendant d'être de brillants insectes de cinquante ans. [...] à trente c'est déjà fini, on s'arrange ; comme on a commencé à s'habituer à la mort et qu'on fait plus rarement le compte des années de reste, avec tout ce travail qu'on a, les rendez-vous, les politesses, les femmes, les familles, l'argent qu'on gagne, il arrive qu'on croit tout à fait à soi-même.
selon paul nizan (la conspiration), il semble que je sois resté un gars de vingt ans...

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