samedi 17 janvier 2015

ambition

ça sonne à mes oreilles comme un magazine présenté par bernard tapie,ce grand entrepreneur - 

en exergue, l'anecdote relayée par mon ami von v., philosophe de l'instant, de l'érotisme, et parfois du rut :
"une femme splendide, vingt-cinq ans, me dit qu'elle aime les hommes qui ont de l'ambition. je lui réponds que j'ai l'ambition de lui bouffer la cramouille. je finis la soirée tout seul." - ceci est beau et sobre comme un haïku -
en prosopopant, c'est-à-dire en me faisant parler à cette splendeur moderne de l'ambition et du dynamisme, j'imaginai ceci :
- moi j'ai de l'ambition, je suis prof. 
- .................................................
 
la belle ricane, je suis grillé, c'était suicidaire - être prof, ça ne "rapporte" pas - (je constate d'ailleurs qu'on annonce qu'on est prof en s'excusant presque, en assurant qu'on ne fera pas ça toute sa vie, nous sommes honteux d'être ce que nous sommes.)

- parfaitement, sale petite connasse qui du haut de ta vingtaine triomphante n'a pas encore le vagin qui ressemble à la caroncule d'un dindon - parce que, réfléchis un instant, si tu y arrives sans l'aide du journal de 13 h, à la nature de ce que tu appelles "ambition" : tu vas me faire le coup de l'entreprise, du jeune cadre dynamique - mais quelle est-elle, ton ambition ou celle de ton mec ambitieux ? que ton mec gagne suffisamment de blé pour que tu roules dans une belle voiture, pour que tu puisses montrer ton cul encore ferme dans quelques expositions qu'il ne faut surtout pas rater, parce que tu te piques de culture je veux bien l'imaginer, pour que tu puisses voyager à l'aventure à cuba ou faire du quad au canada, pour que tu fréquentes des gens bien, pas de la valetaille - l'ambition de tout le monde, faite de mépris des petites gens qui en ont moins, ou pas - ou n'avaient pas les moyens d'en avoir, qui se sont contentés d'être en vie, sur terre, sans remède - quelle est ton ambition à toi, misérable idiote, toi qui vis et penses comme une truie, comme on t'a appris à penser le beau le joli et le bon - ton ambition est monocéphale, hydrocéphale, cynocéphale, ton ambition se suicide dans le confort que tu attends, dans l'affichage convenu de ta petite liberté de penser, dans ta vie que tu crois superlative, dans tes journées qui devraient avoir 48 heures ! 
et tu ricanes quand moi, j'ai pour ambition démesurée d'aider de jeunes esprits à apprendre à penser par eux-mêmes, et à ne pas croire comme toi que sans entrepreneur et sans ambition nous vivrions encore dans des cavernes, et que la vie est une compétition où le meilleur gagne ? tu admettras que ton ambition ne vaut pas grand chose comparée à la mienne -

(normalement à ce stade, elle est tombée amoureuse)

dans l'idéal de la prosopopée, ça doit se finir par une petite pipe, mais moi aussi je suis rentré tout seul chez moi - les femmes sont pleines de contradiction...



1 commentaire:

  1. "C'était une mauvaise nouvelle. ils voulurent renoncer. c'est à Tunis, où on les attendait, où un logement avait été retenu pour eux, qu'ils voulaient, qu'ils croyaient aller. mais il était trop tard. ils avaient sous-loué leur appartement, retenu leurs places, donné leur soirée d'adieu. ils s'étaient depuis longtemps préparés à partir. et puis, Sfax, dont ils connaissaient à peine le nom, c'était le bout du monde, le désert, et il ne leur déplaisait même plus de penser, avec ce goût si fort pour les situations extrêmes, qu'ils allaient être coupés de tout, éloignés de tout, isolés comme ils ne l'avaient jamais été. Ils convinrent cependant qu'un poste d'instituteur était, sinon une déchéance trop forte, du moins une charge trop lourde : Jérôme parvint à résilier son engagement : un seul salaire leur permettrait de vivre jusqu'à ce qu'il trouve, sur place, un travail quelconque."

    Georges Perec, Les choses, ed de poche (10/18), p. 108

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