vendredi 11 octobre 2013

le fumeur et le bichon

dans notre société d'abondance où il va mieux être un chien de race qu'un homme sans destin - ou pire, qu'un fumeur avec un semblant de petit destin - à tous les fumeurs qui sont de bien grands pécheurs - à tous les défenseurs de bêtes à poils qui nous rendent un peu plus misanthropes - une petite anecdote, que dis-je, une parabole, que ne reniera pas mon ami philosophe jamon baptista del guadalquivir :
un fumeur raconte - la scène se passe dans un train
"la vitre est baissée. tout à coup, juste avant le signal de départ, deux dames arrivés au dernier moment entrent avec un petit chien et s'installent devant moi [...]. toutes deux pas mal de leur personne et d'un abord hautain; elles s'entretiennent en anglais. bien entendu, je continue à fumer; c'est-à-dire, j'y avais bien songé un instant, mais je continue à fumer, tourné vers la fenêtre dont la vitre restait baissée. le bichon est sur les genoux de la dame en bleu ciel, un tout petit bichon, pas plus gros que mon poing, noir avec des pattes blanches, une rareté. je reste coi. je remarque seulement que les femmes semblent fâchées, à cause du cigare évidemment. l'une d'elle me dévisage avec son face-à-main en écaille. je ne réagis toujours pas puisqu'elles ne me disent rien ! si au moins elles m'avaient parlé, m'avaient demandé de ne pas fumer; il existe tout de même un langage humain; mais non, elles se taisent. tout à coup, [...] la dame en bleu ciel m'arrache le cigare et le jette par la fenêtre.le train continue à filer, tandis que je la regarde, ahuri. une femme sauvage, positivement sauvage, à l'état absolument sauvage, bien que par ailleurs une belle femme, bien en chair, ample, grande, blonde [...]; elle me foudroie du regard. sans un mot, avec une politesse parfaite, avec une politesse pour ainsi dire raffinée, je tends deux doigts vers le petit chien, je le prends délicatement par la peau du cou et... hop-là, je l'envoie par la fenêtre rejoindre mon cigare. à peine a-t-il eu le temps de pousser un jappement..."
comme cela me fit du bien de lire cela dans l'idiot de dostoievski...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire